Lorsque votre enfant vous confie qu’il ou elle a vécu une agression sexuelle, le monde peut basculer en une fraction de seconde.
Les émotions se bousculent : choc, tristesse, colère, culpabilité, et une profonde douleur pour l’enfant qui traverse cette épreuve.
En tant que parent, il est crucial de savoir comment réagir à cette révélation.
Ce moment est décisif pour le bien-être de votre enfant, mais aussi pour la suite du processus de guérison.
Cet article explore comment accueillir la parole de votre enfant, gérer vos propres émotions, et prendre des décisions éclairées pour le soutenir au mieux.
Accueillir la parole de votre enfant avec douceur et sans jugement
Le premier élément clé est de comprendre l’importance du moment où votre enfant choisit de vous parler. Si cette confiance est offerte, c’est parce que l’enfant se sent suffisamment en sécurité pour partager ce qui est probablement l’un des événements les plus traumatisants de sa vie. Votre rôle est alors d’écouter avec bienveillance, sans interrompre ni exprimer de jugement.
Quelques principes essentiels à respecter dans cet accueil :
• Croire votre enfant : La première réaction doit être de croire ce qu’il vous dit, sans questionner la véracité de son récit. Les enfants ne mentent presque jamais à propos d’abus sexuels. Le simple fait d’exprimer le doute peut réduire à néant leur confiance et les dissuader de s’ouvrir davantage.
• Ne pas poser trop de questions : Évitez d’entrer dans les détails immédiatement. Cela pourrait être vécu comme intrusif, ou pire, comme un interrogatoire. L’enfant a besoin de sentir qu’il peut partager à son propre rythme.
• Rester calme et poser : Même si l’intérieur de vous est en ébullition, tentez de maîtriser vos émotions pour ne pas effrayer ou culpabiliser votre enfant. Il ou elle pourrait interpréter vos pleurs ou votre colère comme une conséquence de ses révélations, et se sentir responsable de votre état. Dites des choses comme “Merci de me l’avoir dit, je suis là pour toi” ou “Ce n’est pas de ta faute”.
Gérer vos propres émotions en tant que parent
Lorsqu’un parent apprend que son enfant a été agressé, une véritable “chape de plomb” s’abat sur lui.
Vous pourriez ressentir une gamme d’émotions complexes : déni, choc, colère contre l’agresseur, tristesse face à la douleur de votre enfant, et souvent une immense culpabilité.
Il est vital de se rappeler que vos émotions, aussi légitimes soient-elles, ne doivent pas être le centre du moment.
L’enfant ne doit pas avoir l’impression d’être responsable de votre souffrance.
Si vous sentez que vous êtes dépassé par vos émotions, essayez de prendre un moment pour vous recentrer avant de continuer la conversation avec lui.
• Cherchez du soutien : Vous avez besoin d’être soutenu vous aussi. Contactez des professionnels, des associations spécialisées, ou même un thérapeute pour vous aider à gérer la situation. Cela vous permettra de ne pas “déverser” vos émotions sur l’enfant, qui pourrait se sentir responsable de votre souffrance.
• La culpabilité parentale : Beaucoup de parents se sentent coupables lorsqu’ils apprennent qu’un de leurs enfants a été agressé sexuellement. Ils se demandent ce qu’ils ont manqué, comment ils ont pu laisser cela se produire. Cette culpabilité est naturelle, mais elle ne doit pas interférer dans la gestion de la situation. L’important est maintenant de protéger et soutenir l’enfant, non de se blâmer pour le passé.
Agressions sexuelles intrafamiliales : quand l’agresseur est un proche
Apprendre que l’agresseur est un membre de la famille complique encore davantage la situation.
Dans ces cas, la douleur est souvent doublée par la trahison et le conflit entre les liens affectifs avec l’agresseur et la volonté de protéger l’enfant.
Enfin, les enfants ont souvent peur de parler dans ces cas de peur d’être tenus responsables de l’explosion de la famille.
• L’attachement à l’agresseur : Il n’est pas rare que l’enfant éprouve des sentiments mitigés envers son agresseur, surtout si celui-ci est un proche (père, oncle, grand-père, etc.). Cet attachement peut rendre la situation plus complexe, car l’enfant peut être tiraillé entre l’amour ou la loyauté et la peur ou la douleur. Il est important d’accueillir ces contradictions sans les juger. L’enfant a le droit de ressentir des émotions conflictuelles.
• Les implications légales et familiales : Lorsqu’un proche est impliqué, le déchirement peut être immense, tant au niveau personnel que familial. Cependant, la priorité absolue doit rester la protection de l’enfant. Prendre des mesures concrètes, telles que l’éloignement de l’agresseur, est essentiel pour assurer sa sécurité. Cela peut aussi signifier d’entamer des démarches juridiques, en collaboration avec des professionnels spécialisés dans la protection de l’enfance.
Éviter les erreurs les plus courantes
Certaines erreurs, bien que souvent faites avec de bonnes intentions, peuvent nuire à l’enfant :
• Minimiser ou rationaliser : Dire des choses comme “Ça aurait pu être pire” ou “Peut-être que ce n’est pas si grave” ou « C’est du passé maintenant, il va falloir que tu t’en remettes » peut faire beaucoup de mal. Chaque acte d’abus est grave et mérite d’être pris au sérieux.
• Essayer de gérer seul : La gestion des abus sexuels nécessite souvent un soutien spécialisé. Chercher de l’aide professionnelle dès que possible est fondamental pour accompagner au mieux l’enfant.
• Imposer des décisions à l’enfant : Certaines décisions (comme le signalement ou l’éloignement de l’agresseur) doivent être prises pour sa sécurité, mais il est important d’impliquer l’enfant dans les décisions qui le concernent autant que possible, en fonction de son âge et de son niveau de compréhension.
Next steps : que faire maintenant ?
Après avoir écouté et soutenu votre enfant, il est essentiel de prendre des mesures concrètes pour protéger sa santé mentale et physique.
• Consulter un professionnel : Que ce soit un psychologue, un thérapeute spécialisé en trauma, ou une structure dédiée à l’accompagnement des enfants victimes d’abus, il est crucial que l’enfant puisse parler à un professionnel qualifié.
• Informer les autorités : Selon la juridiction dans laquelle vous vivez, signaler les abus peut être obligatoire. Il est important de contacter les autorités compétentes (services sociaux, police, etc.) pour assurer la sécurité de l’enfant et enclencher une enquête.
• Mettre en place un environnement sécurisé : Si l’agresseur vit toujours à proximité de l’enfant, il est essentiel de l’éloigner immédiatement. L’enfant doit se sentir en sécurité dans son quotidien.
Comment soutenir votre enfant à long terme
Le chemin de guérison après un abus sexuel est long. Votre rôle ne s’arrête pas après la révélation, bien au contraire. Assurez-vous que votre enfant se sente toujours entendu et soutenu. Offrez-lui la possibilité de continuer à parler, à son propre rythme, et assurez-lui que vous êtes toujours là pour lui.
• Respecter ses besoins : L’enfant peut vouloir parler ou, au contraire, vouloir éviter le sujet pendant un certain temps. Respectez ces fluctuations et soyez présent sans être intrusif.
• Veiller à sa santé mentale : Les troubles post-traumatiques, l’anxiété et la dépression sont fréquents chez les enfants victimes d’agression sexuelle. Il est donc important de les surveiller attentivement et de s’assurer qu’ils bénéficient du soutien psychologique adéquat.
Savoir que votre enfant a vécu une agression sexuelle est probablement l’une des révélations les plus difficiles qu’un parent puisse entendre.
Cependant, comment vous réagissez à cette nouvelle déterminera largement la manière dont l’enfant pourra guérir.
En accueillant la parole de votre enfant avec douceur et compréhension, en gérant vos propres émotions et en prenant des mesures concrètes pour assurer sa sécurité, vous lui offrez la meilleure chance de se reconstruire.
Cherchez du soutien pour vous et pour lui, et rappelez-vous que chaque étape franchie ensemble, aussi difficile soit-elle, est une avancée vers la guérison.
Références
• Brousse, G. (2017). Trauma et résilience chez l’enfant. Éditions Odile Jacob.
• Conseil National pour l’Enfance Maltraitée (2021). Accompagnement des enfants victimes d’agressions sexuelles. Paris : CNEM.
• Courtois, C. A., & Ford, J. D. (2013). Treatment of Complex Trauma: A Sequenced, Relationship-Based Approach. Guilford Press.